"Les signes épars colorés – comme l’or convoité par les conquistadors – ou non, presque effacés parfois, et l’écriture gravée dans l’épaisseur du stuc blanc, tel un graffiti qui signe un propos et rehausse le motif ou le monochrome, inscrivent la trace mémorielle qui lie l’artiste avec l’histoire de la Caraïbe et des Amériques." de Régine Cuzin, Directrice artistique, commissaire d'exposition chez O C E A.
L’exposition monographique de Barbara Prézeau Stephenson à l’Espace Lally, à Béziers, du 2 décembre 2021 au 26 février 2022, se présente sous une forme sérielle : à la fois les tableaux « 1492 » et les dessins « Bougainvilliers & Acacias » réalisés l’été dernier – dans le cadre d’un atelier-résidence à la Villa Antonine à Béziers, à l’invitation des Écluses de l’Art –, et les artefacts « Dakar » créés par l’artiste lors de son séjour au Sénégal en 1993-1995.
La date 1492, fil conducteur et titre éponyme de l’exposition, peinte en chiffres ou en lettres incrustées dans les tableaux, est la référence temporelle, historiquement et culturellement, qui marque l’arrivée de Christophe Colomb aux Amériques et le bouleversement du monde.
Les signes épars colorés – comme l’or convoité par les conquistadors – ou non, presque effacés parfois, et l’écriture gravée dans l’épaisseur du stuc blanc, tel un graffiti qui signe un propos et rehausse le motif ou le monochrome, inscrivent la trace mémorielle qui lie l’artiste avec l’histoire de la Caraïbe et des Amériques. Même si l’œuvre de Barbara Prézeau Stephenson est nourrie d’autres références et inspirations, les vèvès tracés dans la matière, les croix, les poissons ou le couple de serpents Dambala et Aïda-Wèdo révèlent ici des symboles reliés aux loas, les divinités du panthéon vodou.
La démarche artistique de Barbara Prézeau Stephenson repose sur la recherche de multiples supports et matériaux : toile, papier, fer, bois, tissu…, qu’elle renouvelle sans cesse, jusqu’à utiliser son propre corps pour l’art performatif.
Elle repose aussi sur la construction de collaborations fécondes, comme en témoignent dans l’exposition les artefacts réalisés à Dakar avec des artisans du fer, ou plus récemment l’installation « Tresses-Montréal », une œuvre pérenne faite d’un entrelacs de cheveux synthétiques, installée l’an dernier à la Maison d’Haïti, à Montréal, qu’accompagne une bande sonore composée des chants d’un groupe de femmes originaires de différents pays.
Depuis de nombreuses années, les œuvres de Barbara Prézeau Stephenson se déploient sous une variété de formes : tableaux, sculptures, dessins, installations, performances, son, qui attestent son intérêt pour convoquer des outils et moyens spécifiques locaux avec d’autres rencontrés au gré de ses recherches, pérégrinations et séjours à l’étranger.
Pionnière de la reconnaissance de l’art contemporain en Haïti et fermement engagée pour le développement culturel de cette île caraïbe, Barbara Prézeau Stephenson a fondé et présidé la Fondation AfricAmerica et le Forum transculturel d’art contemporain, qui se tient régulièrement à Port-au-Prince et rassemble artistes, commissaires et chercheurs du monde entier.
Barbara Prézeau Stephenson a bénéficié de résidences de création aux Canada, aux États-Unis, en France – où elle vit désormais depuis 2016 – et participé à plusieurs biennales (Venise, La Havane, Dakar) et expositions référentes de par le monde, notamment « Haïti. Deux siècles de création artistique » au Grand Palais à Paris et contribué à de nombreuses publications sur l’art contemporain de la Caraïbe et d’Haïti.
Auteur: Régine Cuzin
